Problèmes économiques No 3022 22 juin 2011 La nouvelle question agricole Les produits alimentaires pourraient rester chers Finances et Développement Thomas Helbling et Shaun Roache Le scénario noir de 2008, qui avait provoqué dans de nombreux pays en développement (PED) des émeutes de la faim, semble se répéter. Les prix des denrées alimentaires, après être restés stables au cours du premier trimestre 2010, ont, en effet, fortement augmenté au second semestre et au début de 2011. L'indice des prix alimentaires calculé par le Fonds monétaire international (FMI) sur la base de vingt-deux produits - les plus échangés à l'échelle internationale - devrait ainsi atteindre, courant 2011, son niveau de 2008. Les auteurs reviennent sur les principales causes de ce phénomène, parmi lesquelles la demande croissante des pays émergents, les mauvaises récoltes et la diminution des stocks, notamment de céréales. La faute à la spéculation ?Paysans Bertrand Munier Si les causes du renchérissement des denrées alimentaires sont connues, un facteur joue un rôle de plus en plus important : la financiarisation des marchés agricoles. Depuis que la loi américaine " Commodity Future Modernization Act " a été votée au Congrès, en 2000, le nombre de contrats d'option sur les produits issus de l'agriculture a explosé. Les marchés agricoles sont ainsi devenus des marchés d'anticipations et d'attitudes psychologiques où l'offre et la demande ne sont plus, comme l'a montré le Fonds monétaire international (FMI) dans une récente étude, les variables explicatives des évolutions des prix. S'accaparer des terres, une solution pour assurer sa sécurité alimentaire ?Economies et Sociétés Thierry Pouch Si la hausse des prix des biens alimentaires touche tous les pays, elle pénalise davantage les grands importateurs que sont la Chine, la Corée du Sud, l'Inde ou encore l'Arabie Saoudite. La rareté relative de ces biens et leur renchérissement a conduit ces Etats - mais aussi, et de plus en plus, certains acteurs du secteur privé - à développer une stratégie visant à pallier l'insuffisance, chez eux, de sols cultivables : l'accaparement de terres (land grabbing en anglais) à l'étranger qu'elles soient achetées ou louées. Les économies du Proche-Orient et la Chine arrivent ainsi en tête en ce qui concerne les hectares dont elles disposent en dehors de chez elles. Ce phénomène qui se généralise n'est pas sans conséquences pour les pays qui cèdent ainsi leurs terres cultivables. Réformer la PAC dans un contexte budgétaire difficile Projet Vincent Chatellier et Hervé Guyomard A l'heure où les Européens débattent de l'avenir de la Politique agricole commune (PAC) - une réforme doit être menée d'ici à 2013 - et où d'aucuns réclament d'ores et déjà son abandon, l'auteur estime que son budget doit être maintenu. Mais l'iniquité du système actuel - les fonds versés bénéficient principalement à un nombre restreint d'Etats (quatre pays concentrent 58 % du total) et à certains types d'exploitations agricoles - nécessite toutefois un redéploiement des soutiens à l'agriculture. Un meilleur ciblage des aides directes, notamment des " aides découplées ", c'est-à-dire qui ne dépendent pas du niveau de production, est ainsi devenu indispensable.Les grands défis d'une agriculture durable Sciences Humaines Sylvie Brunel La nouvelle hausse des prix des denrées agricoles a conduit les experts à s'interroger sur la " capacité de charge " de la planète, c'est-à-dire sur la possibilité ou pas de parvenir à nourrir la population mondiale. Cette question s'avère en réalité relever moins d'un problème d'offre que d'un problème de distribution et d'accès aux produits agricoles. Seule 10 % de la production mondiale est, en effet, échangée sur les marchés. Mais, selon l'auteur, cette situation n'a rien d'inéluctable. A condition toutefois d'être en mesure de surmonter les défis à venir, en particulier la croissance démographique, l'insuffisance de la main-d'oeuvre agricole dans certains pays en développement (PED) et l'augmentation de la demande de produits comme le lait, les oeufs et la viande. EGALEMENT DANS CE NUMERO LOGEMENT Le prix des logements anciens et des loyers dans les années 2000 INSEE Première Philippe Gallot, Élodie Le Prévost et Catherine Rougerie En France, au cours de la décennie 2000, les prix des logements anciens ont plus que doublé, alors que les loyers ont augmenté de 29 %, à un rythme proche de celui du revenu disponible des ménages. A partir de 2006, l'introduction du nouvel indice de référence des loyers a eu pour conséquence un ralentissement de la hausse de ces derniers. Les dépenses de logement ont, par ailleurs, vu leur poids augmenter dans le revenu des ménages, en particulier pour les locataires du secteur libre et les ménages à faibles ressources. Au cours de cette période, les écarts concernant les débours que les ménages consacrent à leur logement se sont également réduits entre l'agglomération parisienne et la province.SECTEURS Tourisme culturel en France : les pays émergents tirent la demande Consommation et modes de vie Bruno Maresca Grâce aux enquêtes réalisées chaque année par le ministère de l'Economie et des Finances, on peut évaluer de façon précise les flux de touristes étrangers visitant la France, ainsi que les finalités de leurs voyages (récréatives, culturelles ou professionnelles). Avec l'expansion des classes moyennes dans le monde et en particulier dans les pays émergents, le tourisme international en France a, ces dernières années, beaucoup augmenté. Les nouveaux venus étant en outre ceux qui fréquentent le plus les lieux culturels, le tourisme balnéaire doit désormais compter avec la concurrence du tourisme culturel. MONNAIE Le rôle des pouvoirs publics dans le déploiement de monnaies sociales Territoires Jérôme Blanc et Marie Fare Les monnaies sociales relèvent d'une dynamique issue de la société civile visant à répondre à des besoins non satisfaits par le secteur marchand et par les services publics. Généralement émises par des associations, leur degré de convertibilité en monnaie nationale et le niveau d'implication des pouvoirs publics varient fortement de l'une à l'autre. On peut distinguer quatre générations de monnaies sociales, dont la dernière a vu le jour au début des années 2000. Dans cette catégorie, un des cas les plus emblématiques est celui du Sol en France, une monnaie à valeur ajoutée sociale et environnementale dont l'émergence doit beaucoup au rôle quý ont joué les pouvoirs publics locaux. Néanmoins, et ce de façon générale, nombre d'écueils sont à éviter si on ne veut pas voir les monnaies sociales devenir un frein aux innovations citoyennes.