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Publié en 1863, un an avant Oncle Silas, La maison près du cimetière est tout à la fois un thriller, une romance, et un " divertissement " centré sur le Temps et le Langage. Roman sans héros, peuplé de personnages masculins et féminins qui s'entrecroisent sans relâche, on y trouve banquets et ripailles tout autant que chantages, enterrements clandestins à la lueur de la lune, et crânes exhumés... Tout ceci se déroule en 1767, à Chapelizod, petit village près de Dublin, et l'on y détecte sans doute plus encore que dans les autres oeuvres de Le Fanu son goût démesuré pour l'étrange et le surnaturel, mêlé au quotidien d'une Irlande de clergymen, notables, militaires, et traîne-la-faim...Joyce relisait ce livre chaque fois qu'il souhaitait s'empêcher de dormir. Un roman noir tout ce qu'il y a de classique en apparence (Le Fanu fut dans ce registre le seul rival de Wilkie Collins), mais ficelé à l'irlandaise, c'est-à-dire sans marchander sur les ingrédients indispensables : le whiskey, la mort violente. et le surnaturel.Quelques messieurs plus ou moins distingués aiment à se réunir le soir au club, dans une bourgade des environs de Dublin, pour dire tout le mal qu'ils souhaitent au monde et tout le bien qu'ils pensent d'eux-mêmes. jusqu'au jour où ils se retrouvent avec un joli crime sur les bras. Un thriller particulièrement retors qui se sert d'un fait-divers faussement banal pour nous rendre complices du pire ; en nous invitant à nous poser la seule question qui compte : « Comment tuer le temps ? » Que la bonne société victorienne en profite au passage pour se faire déculotter et fesser d'importance ne saurait nuire, on s'en doute, à notre plaisir. Mais Le Fanu a encore d'autres surprises dans son terrible sac - qu'il n'est bien sûr pas question de révéler ici.Qu'un tel livre - nous voulons dire d'une si violente modernité - n'ait jamais été traduit en français à ce jour est à la fois consternant et rassurant : il nous reste encore (Elizabeth Bowen dixit) des chefs-d'oeuvre à découvrir !